Pourquoi la négation en français a deux éléments? Pourquoi ce n’est pas comme dans les autres langues latines?
Yo no se
Io non so
Eu nao sei
Je ne sais PAS
C’est ce que je vous explique aujourd’hui! Vous allez voir, c’est PAS si compliqué!
La négation : règle de base
En français, pour mettre une phrase affirmative à la négative, on place l’adverbe de négation de chaque côté du verbe ou de l’auxiliaire.
Sujet + NE/N’ + verbe/auxiliaire + PAS (point/rien/personne/jamais/guère) + reste
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Je NE comprenais RIEN au français québécois, mais maintenant c’est facile!
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La négation pour un verbe à l’infinitif
Avec un verbe à l’infinitif, les 2 éléments se placent avant l’infinitif :
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Pourquoi on dit « ne… pas » en français?
Avant le 11e siècle, le français avait la même négation que les autres langues latines! Oui, oui, on pouvait dire :
Yo NO hablo
Eu NÃO falo
Io NON parlo
Je NE parle (c’est probablement pas exactement comme ça que ça se disait à l’époque, mais j’ai mis la structure en français moderne)
Des fois, il y avait un complément au verbe.
Elle n’a domestique ni valet. (Exemple pris sur Wikipédia)
Une phrase comme Il n’y a personne voulait dire littéralement « Il n’y a aucune personne ».
Et Je ne veux rien (du latin rem = chose) voulait dire « Je ne veux aucune chose».
Ces substantifs se sont graduellement transformés en adverbes.
Le cycle de Jesperen
IUn linguiste danois, Otto Jespersen, a décrit un phénomène cyclique qui apparaît dans plusieurs langues. Par exemple en anglais :
Je vous cite un article très intéressant sur la négation en français :
En vieil anglais (jusqu’au XIe siècle), « je n’ai pas vu » se disait « Ic ne seah ». En moyen anglais (du XIIe au XVe siècle), la négation a été renforcée par « nawiht », comme dans « I ne saugh nawiht ». Dans l’anglais moderne naissant (celui du XVIe siècle), c’est devenu « I saw not ». Ce processus ne s’est pas arrêté là, puisque le nouvel adverbe de négation (not) a été victime d’un autre cycle : « I saw not » a dû être renforcé par le verbe « do », ce qui a donné « I did not see ». Et de nos jours, le « not » tend à disparaître dans « I don’t see, he doesn’t see, he didn’t see ».
Donc le cycle de Jesperen, c’est cette notion que la négation perd de la force au fil du temps, avec la cristallisation des formules négatives et que les locuteurs sentent le besoin de renforcer après un certain temps.
C’est ce qui est arrivé en français!
Origine du PAS dans la négation française
Pour renforcer la négation, les locuteurs se sont mis à ajouter un complément qui avait rapport au sens du verbe utilisé dans la phrase.
Il ne mange mie = Il ne mange même pas une miette
Elle ne boit goutte = Elle ne boit pas une seule goutte
Il ne bouge point (mot gallo-romain qui réfère à une parcelle de terre, notion d’espace)
Et c’est là qu’on arrive au mot qui nous intéresse…
On ne marche pas = On ne marche pas du tout, même pas d’une empreinte de pas!
Au 13e siècle, cette négation en 2 parties s’était généralisée, et les mots d’insistance pouvaient être interchangés, sans avoir nécessairement rapport avec le sens du verbe utilisé, jusqu’à ce que le PAS s’impose comme la règle générale.