Cet automne, coup de tonnerre dans le monde télévisuel québécois : Télétoon a annoncé qu’elle ne diffusera pas la 36e saison des Simpson en raison d’une mésentente sur le financement du doublage québécois. Résultat : l’adaptation locale de la série culte est mise sur pause. La nouvelle a vite fait réagir le public. En quelques jours, une pétition adressée à Disney a récolté près de 30 000 signatures, preuve que l’attachement à la version québécoise est bien réel. Mais qu’a-t-elle donc de si spécial?
Le doublage québécois : un art qui dépasse la traduction
Dans la francophonie, il existe généralement deux versions doublées des productions américaines : une en français européen (souvent faite en France) et une en français canadien (souvent faite au Québec). Si les Québécois tiennent à entendre des voix d’ici, ils aiment en même temps que l’accent soit « neutralisé ». C’est cette contradiction qui fait que, la plupart du temps, le doublage québécois reste relativement sage.
Sauf pour Les Simpson. Ici, le joual est à l’honneur. Les traducteurs assument des tournures populaires et les doubleurs, des accents colorés, parfois même exagérés par rapport à ce qu’on entend dans la vraie vie. C’est rare, et surtout précieux, car cela permet aux Québécois de se reconnaître à l’écran. Dans une société marquée par l’insécurité linguistique, entendre Homer lancer un « pas pantoute » plutôt qu’un banal « pas du tout » fait toute la différence. Ce n’est pas seulement plus expressif : c’est un geste de légitimation de la langue parlée ici.
Pourquoi Les Simpson doublés au Québec font école
Les Simpson ne sont pas qu’un dessin animé délirant. Pour les traducteurs, c’est un véritable terrain d’expérimentation. La série est remplie de références culturelles américaines qu’il faut adapter pour un autre public. Plutôt que de garder des noms obscurs, les traducteurs québécois remplacent par des personnalités locales connues. L’effet est immédiat : le gag fonctionne, et le spectateur rit pour les bonnes raisons.
Autre atout : la variété des registres. Bart a ses diphtongues exagérées, le Gars des bandes dessinées zozote avec mépris, pendant que Sideshow Bob s’exprime dans un français recherché. Ce contraste rend les personnages encore plus savoureux. Dans la version française, les tons semblent plus homogènes et les couleurs linguistiques moins marquées. Au Québec, on ose. Et cette audace donne une saveur unique à la série.
Petit glossaire québécois
Quelques mots et expressions entendus dans la version québécoise peuvent surprendre les francophones d’ailleurs :
- Joual : registre familier du français québécois.
- Liqueur : boisson gazeuse (ex. une liqueur = un soda).
- Chu : contraction de « je suis ».
- Tourista : diarrhée du voyageur, souvent contractée « dans le Sud ».
- Poche : familier pour dire « mauvais, nul » (ex. c’est ben poche).
- Dans le Sud : expression pour désigner les destinations soleil comme Cuba ou le Mexique.
- Par exemple : parfois employé au Québec pour exprimer l’opposition, synonyme de « cependant, par contre ». (ex. On tient au doublage québécois, mais faudrait pas trop entendre l’accent d’ici par exemple!)
Conclusion
Les Simpson en québécois, ce n’est pas seulement un doublage. C’est une œuvre culturelle à part entière qui reflète la langue, l’humour et l’imaginaire collectif du Québec. SI vous souhaitez signer la pétition, en voici le lien : Sauver les Simpson en québécois.
Si vous voulez mieux comprendre toutes les subtilités de notre parler, je vous invite à découvrir ma formation Comprendre les Québécois. Il y a aussi des exercices créés à partir des Simpson en québécois pour les Déneigeurs sur Patreon. Vous verrez : après ça, même Bart et son « frappoer » ne vous feront plus peur!